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-_-_Nous sommes heureux de l’occasion qui nous est offerte de présenter nos points de vue et nos préoccupations au sujet du projet de loi C-36, Loi antiterroriste, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Le Syndicat canadien de la fonction publique est le plus grand syndicat du Canada. Il représente un demi-million de travailleuses et travailleurs partout au pays. Les membres du SCFP, dans le cadre de leur travail, fournissent un vaste éventail de services publics, notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation (de la petite enfance à l’éducation postsecondaire), des services sociaux, des services municipaux, du transport aérien, de la radiodiffusion et de la câblodiffusion, ainsi qu’au sein de différents organismes communautaires. Les membres du SCFP, comme les autres Canadiennes et Canadiens, ont été bouleversés par les événements du 11 septembre et comprennent que le gouvernement doit prendre des mesures pour réagir efficacement au terrorisme. Mais certaines des modifications législatives contenues dans le projet de loi C-36 vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour réagir de façon appropriée. +En particulier, nous demandons au comité de recommander des modifications dans les domaines suivants :+ *+Restreindre les définitions du terrorisme et des actes de terrorisme.+ Présentement, elles sont trop larges et trop imprécises. Elles menacent les libertés civiles et la dissension politique légitime au Canada. En outre, elles menacent notre capacité d’assurer une solidarité internationale aux organisations qui cherchent à instaurer des changements démocratiques et économiques dans d’autres pays. Si le gouvernement insiste pour adopter ce projet de loi, les définitions doivent être mieux circonscrites pour y inclure uniquement des actes spécifiques de violence grave, ou une violence sérieuse projetée, dont le but est de causer une extrême crainte dans la population. * +Protéger les libertés civiles.+ Renforcer les libertés civiles en ce qui a trait aux audiences d’enquête et à la détention préventive. Intégrer une clause d’extinction pour mettre fin automatiquement à ces mesures extrêmes après un maximum de trois ans, avant si possible. * +Maintenir la transparence du gouvernement.+ N’accordez pas à la procureure générale de nouveaux pouvoirs qui lui permettront d’exempter les ministres, les ministères ou les personnes de la Loi sur l’accès à l’information. Il faut plutôt continuer d’appliquer toutes les dispositions existantes pour éviter les erreurs judiciaires. * +Empêcher l’espionnage contre les Canadiennes et Canadiens.+ N’accordez pas à la ministre de la Justice le pouvoir d’autoriser l’appareil canadien de sécurité et de renseignements à intercepter des communications privées. Utilisez plutôt les protections et examens offerts présentement par l’écoute électronique. * +Promouvoir davantage le débat démocratique.+ Prolonger la période réservée à la deuxième lecture du projet de loi C-36 afin de permettre la tenue d’auditions partout au pays qui permettront à plus de Canadiennes et de Canadiens d’examiner et de commenter des nombreux articles de cette loi omnibus complexe de plus de 170 pages. Nos commentaires dans le présent mémoire portent d’abord et avant tout sur nos craintes au sujet de la large définition des mots « terrorisme » et « activité terroriste » dans la loi, puisque la clé de cette loi se trouve dans ces définitions. Elles sont le déclencheur de beaucoup d’autres aspects troublants de la loi, comme la détention sans accusation, ou l’emprisonnement qui peut aller jusqu’à un an sans procès. Il est essentiel de restreindre ces définitions pour protéger les libertés civiles des Canadiennes et des Canadiens et pour permettre la dissension légitime. +Définition d’une activité terroriste+ La définition d’une « activité terroriste » dans la loi est large et imprécise. Elle englobe diverses activités, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Canada, qui pourraient inclure les types de manifestations et d’activités essentielles au fonctionnement efficace d’une démocratie. Le projet de loi C-36 modifierait le Code criminel en y incluant comme « activité terroriste » les actes ou menaces d’actes, à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada, qui répondent aux critères suivants : * un acte commis au nom d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique ; * un acte commis en vue d’intimider tout ou partie de la population quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir ; * un acte qui, d’autre part, vise à causer des blessures graves à une personne ou la mort de celle-ci, par l’usage de la violence ; à mettre en danger la vie d’une personne ; à compromettre gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population ; à causer des dommages matériels considérables, qui sont susceptibles d’entraîner des torts considérables ; OU à perturber gravement ou à paralyser des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre d’activités licites de revendication, de protestation ou de manifestation d’un désaccord, ou d’un arrêt de travail licite, qui ne sont pas exercées dans le but de provoquer la mort, des dommages ou un risque. Cette définition large et englobante est ouverte à diverses interprétations et pourrait inclure un militantisme qui n’est pas de nature terroriste. Qu’est-ce qu’une « activité licite de revendication » ? Que sont des « services, installations ou systèmes essentiels » ? Qu’est-ce qui constitue un « risque sérieux pour la santé et la sécurité » ? Ces expressions ne sont pas définies. La définition d’« activité terroriste » pourrait facilement inclure les activités de notre syndicat. Les membres du SCFP ont déclenché des arrêts de travail au fil des ans dans le cadre de négociations collectives et dans les buts législatifs. En vertu de la définition proposée, ces gestes pourraient être considérés comme des actes terroristes et faire l’objet de sanctions beaucoup plus répressives que celles qui existent déjà. Songez aux effets de la définition proposée pour les membres du SCFP qui participent à une grève qui est illégale parce qu’elle touche un service comme les soins de santé. En outre, la définition pourrait inclure la participation à des grèves générales comme les Journées d’action en Ontario au cours desquelles le SCFP, d’autres syndicats et un large éventail d’organisations communautaires organisent des grèves générales d’une journée qui paralysent les lieux de travail dans une collectivité afin de protester contre le programme politique du gouvernement Harris. Il s’agissait d’arrêts de travail visant à nuire sérieusement à des services, installations ou systèmes essentiels et à les perturber. Ces moyens d’action seront-ils maintenant considérés comme des actes de terrorisme ? Des grèves illégales ne sont sûrement pas des actes de terrorisme. Pourtant, en vertu des définitions actuelles, rien n’est prévu pour empêcher le gouvernement d’avoir recours aux pouvoirs puissants de la loi dans de telles situations. Peu importe ce que vous pensez vous-mêmes des activités de citoyennes et citoyens qui participent à des manifestations politiques pacifiques, comme des grèves illégales, vous avez le devoir de protéger le libre exercice de la dissension. Ne permettez pas que des préoccupations légitimes en matière de sécurité servent de prétexte au lancement d’un vaste filet qui finira par paralyser toute opposition efficace aux politiques et aux actions gouvernementales. L’histoire regorge d’exemples de moyens de protestation illégaux qui sont maintenant considérés comme des gestes héroïques posés pour la défense de la démocratie et de l’égalité. De même, la définition d’un acte terroriste pourrait s’appliquer à une manifestation anti-mondialisation qui cherche à perturber le système parlementaire par une occupation illégale de la Chambre des communes pour empêcher la tenue d’un vote sur un accord de libre-échange. Le gouvernement devrait-il avoir le droit de détenir de façon préventive des organisatrices ou organisateurs principaux sans porter d’accusations et de les garder en prison pendant une période pouvant aller jusqu’à un an sans procès ? Mais c’est exactement de cette façon que la loi pourrait être utilisée pour empêcher, dissuader et punir sévèrement celles et ceux qui entreprennent de tels moyens de protestation illégaux. De plus, la dimension internationale de cette loi pourrait sérieusement menacer un important travail de solidarité internationale entrepris par des syndicats comme le SCFP, qui appuient des organisations dans d’autres pays à la recherche de changements démocratiques légitimes et de justice économique. Dans le passé, notre syndicat a appuyé le travail du Congrès national africain (ANC) et du Congrès sud-africain des syndicats lorsqu’ils étaient forcés de travailler dans l’illégalité dans leur propre pays, uniquement parce que l’ANC était considéré comme une menace terroriste pour le gouvernement sud-africain pendant l’apartheid. Aujourd’hui, le gouvernement canadien reconnaît que cette lutte était juste et rend hommage à son leader, Nelson Mandela. Ce projet de loi, par sa définition du terrorisme, pourrait être utilisé pour sanctionner le SCFP parce qu’il a offert un appui financier à d’autres syndicats et organisations populaires considérés comme des terroristes dans leur pays. Ces règles pourraient s’appliquer, par exemple, dans le cas d’un appui accordé aux travailleuses et travailleurs et aux paysannes et paysans de Colombie qui peuvent être considérés comme des terroristes par leur gouvernement, mais dont nous pensons qu’ils luttent légitimement pour défendre leurs droits. Le projet de loi C-36, dans sa forme actuelle, n’est pas nécessaire pour lutter contre le terrorisme. Rédigé à la hâte, il crée des pouvoirs immenses qui seront en vigueur indéfiniment. Il foule aux pieds les droits civils que le SCFP et de nombreux Canadiens chérissent, pour avoir l’air d’adopter la ligne dure contre le terrorisme. Bon nombre de ses dispositions ne sont pas nécessaires puisque l’on peut avoir recours à des dispositions qui existent déjà dans le Code criminel. Les terroristes qui ont commis des actes violents, qui ont tenté de commettre de tels actes ou qui ont conspiré pour commettre des actes criminels peuvent être accusés et poursuivis en vertu du Code criminel actuel. De plus, la Loi sur l’immigration prévoit un autre outil pour permettre au gouvernement de réagir au terrorisme. Non seulement le projet de loi C-36 n’est pas nécessaire pour lutter contre le terrorisme au Canada, mais il crée en plus des outils qui peuvent être utilisés pour terroriser certains Canadiens. Si cette loi était adoptée, il existe un réel danger que certains groupes minoritaires, comme les musulmans, soient ciblés. Il est également possible que des groupes et des personnes qui entreprennent des moyens de pression et s’engagent dans un militantisme légitime, comme le syndicalisme, soient inclus dans la large définition d’une « activité terroriste ». Cette définition, combinée au processus envahissant utilisé pour enquêter sur le terrorisme et aux sanctions sévères prévues pour celles et ceux qui sont condamnés pour des actes de terrorisme, pourrait avoir un effet paralysant sur la dissension légitime tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Canada. Le soutien à une clause d’extinction (ou clause « crépusculaire ») et à des définitions plus précises vient non seulement des syndicats et des groupes avec lesquels nous travaillons, mais également des partis d’opposition et même du caucus du gouvernement. Au lieu de s’attaquer à la dissension démocratique dans son propre parti, le gouvernement devrait en profiter pour montrer aux Canadiennes et aux Canadiens qu’il ne permettra pas que des problèmes de sécurité aboutissent à l’absence de toute dissension. Ces préoccupations légitimes ont été exprimées par un grand nombre de voix diverses. +La menace qui pèserait sur les libertés civiles des Canadiennes et Canadiens est un prix trop élevé à payer pour les pouvoirs excessifs contenus dans l’actuelle Loi antiterroriste.+ Le gouvernement n’a pas fait la preuve de la nécessité des mesures larges et envahissantes contenues dans le projet de loi C-36. Pour ces raisons, nous invitons de Comité permanent de la justice et des droits de la personne à appuyer les modifications que nous demandons au début du présent mémoire. ad/siepb 491 Bill C-36 Submission-fr.doc