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Tandis que le siècle est sur le point de s’achever, les femmes doivent se battre pour maintenir les gains qu’elles ont obtenu de haute lutte. Quelle est la raison de ce recul? La privatisation des services publics qui menace de bouleverser la vie des femmes, que ce soit au foyer, au travail ou dans leur syndicat.

Au moment où le gouvernement se retire de la gestion de nos écoles, de nos hôpitaux, de nos foyers de soins infirmiers, de nos routes et d’autres services publics essentiels, au détriment d’un style de vie que les hommes et les femmes ont bâti et dont tout le monde bénéficie, l’invasion des privatiseurs a des conséquences parti-culièrement désastreuses pour les femmes.

Ces profiteurs de l’entreprise privée engloutissent avidement de bons services et de bons emplois occupés principalement par des femmes. De nombreux postes convoités par les privatiseurs et les entrepreneurs privés, postes dont les gouvernements obsédés par le déficit veulent allègrement se débarrasser, sont détenus par des femmes. Les emplois de bureau, des emplois dans le secteur de la santé, des services sociaux, de l’éducation, des services de nettoyage et de la préparation des aliments sont souvent les premiers offerts à la sous-traitance.

La privatisation de ces emplois signifie également que les services destinés à soulager en partie le fardeau des tâches assumées depuis toujours par les femmes dans leur foyer ou leur communauté sont maintenant menacés de disparaître.

Un triple affront contre les femmes

Pour le SCFP et pour d’autres syndicats, ces changements auront des répercussions sur chaque aspect du syndicat. Le SCFP perd des femmes membres à un moment où celles-ci sont plus actives que jamais dans le syndicat. La qua-lité des services publics dispensés par les membres du SCFP est sérieusement compromise. Et pour les femmes qui conservent leur poste à l’issue d’une privatisation, le gonflement des tâches tant au travail qu’à la maison gruge le temps dont elles disposent pour militer au sein de leur section locale.

Mais les effets de la restructuration qu’on impose au secteur public a des conséquences qui déborde le milieu de travail. Quand les coûts des maisons de retraite grimpent à une allure vertigineuse, que les malades obtiennent leur congé de l’hôpital trop tôt après avoir subi une chirurgie ou quand la nourriture de l’hôpital est infecte au point où les parents de la personne malade doivent cuisiner eux-mêmes les repas et les lui apporter, le travail se trouve à nouveau refoulé là où les femmes ont tant travaillé pour le sortir : au foyer, milieu isolé et non rémunéré.

« Mike Harris peut bien effectuer des compressions puisqu’il sait que les femmes devront ramasser les morceaux », déclarait June Muir jointe au téléphone sur la ligne de piquetage dressée en face du Centre communautaire d’accès aux soins (CCAS) de Windsor-Essex. Mme Muir, présidente de la section locale 3626, a conduit ses membres dont la vaste majorité sont des femmes, à déclencher une grève qui, selon ses propres termes, « concerne l’avenir du système de santé. » Les membres de la section locale 3626 représentant le personnel de soutien du CCAS jouent un rôle essentiel pour que les malades reçoivent à domicile les soins et le soutien nécessaires.

Le gouvernement de l’Ontario a créé les CCAS pour pouvoir facilement limiter le financement des services de santé dans la communauté. Au CCAS de Windsor-Essex, le premiers signes de privatisation ont commencé à montrer le bout de leur nez. Les prestataires de services infirmiers doivent maintenant se prêter à un processus de soumission pour l’obtention d’un contrat et Mme Muir craint que cette pratique ne devienne une course au plus bas prix possible plutôt qu’à la meilleure qualité des services.

Ainsi, tandis que le CCAS continue en théorie d’être un service public, le terrain a été préparé pour que survienne une privatisation totale de cet important point de liaison avec le système de santé.

Soumissionner pour la prestation de services infirmiers constitue le commencement d’un processus qui devra inévitablement entraîner à la baisse le salaire des travailleuses et travailleurs tout en compromettant la qualité et l’accès aux services. C’est une tendance qui fait tache d’huile dans tout le pays.

Du travail rémunéré aux tâches cachées

« Dans le secteur public, les femmes pouvaient ga-gner un salaire qui leur permettait de subvenir aux besoins de leur famille, » déclare Judith Mongrain, présidente de la section locale 87, qui a engagé et gagné une longue bataille contre la sous-traitance, cet été, en affrontant la ville de Thunder Bay.

« Dorénavant, il est plus difficile pour les femmes de pourvoir aux besoins des leurs. Elles sont à nouveau confinées à des emplois sous-évalués. »

À Thunder Bay, les premiers emplois menacés par la sous-traitance étaient des postes occupés par des hommes. Mais « les femmes accordaient aux hommes leur appui inconditionnel. La question ne se posait pas. Parce qu’à un moment donné, nous avons compris que tout le monde serait touché », ajoute Mme Mongrain.

En Colombie-Britannique, les membres du SCFP employés par les deux patinoires récemment privatisées de Langley ramassent les morceaux après avoir perdu une bataille bien menée et bien planifiée pour maintenir en régie la gestion des patinoires. Selon Joanne Reece, présidente de la section locale 403, « le syndicat s’occupe de trouver des emplois à toutes les travailleuses et tous les travailleurs du nouveau système. » En vertu de la convention collective, l’employeur ne peut pas effectuer de licenciements en raison de la sous-traitance. Mais pour ne citer qu’un exemple de la difficile transition, une femme qui dirigeait des concessions pourrait devoir se contenter de ramasser les ordures aux abords de la patinoire.

« Inutile d’insister, le moral des troupes est en chute libre », déclare Mme Reece.

Au Manitoba, en raison du passage à la sous-traitance, l’année dernière, des services d’entretien et de nettoyage du Centre des congrès de Winnipeg, un groupe de personnes employées, principalement des femmes dont certaines avait plus de 20 ans de services ont perdu leur emploi qui représentait un salaire décent et un travail régulier. Paul Moist, président de la section locale 500, affirme que les emplois des services de nettoyage et d’entretien sont « les premiers visés par la sous-traitance. Et les femmes en sortiront perdantes. »

Pour la section locale 500 du SCFP, la sous-traitance des services d’entretien et de nettoyage a signifié la perte de 36 membres, y compris la présidente de l’unité du Centre des congrès, Sue Favell. Autochtone et mère célibataire, Sue Favell n’a pas pu trouver un autre emploi et a dû depuis retourner vivre dans la réserve. La section locale s’est battue avec acharnement pour sauvegarder les emplois, allant même jusqu’à concevoir un plan de restructuration du travail d’entretien et de nettoyage qui aurait permis au Centre des congrès d’épargner plus de 200 000 $ par année. Mais en fin de compte, dans sa volonté de comprimer ses coûts, le Centre n’a pas démordu de la nécessité de trouver du personnel non syndiqué, disposé à travailler au salaire minimum et il a jeté à la rue les travailleuses et travailleurs du SCFP.

Des histoires de privatisation effectuée directement ou de manière détournée n’arrêtent pas d’affluer dans pratiquement toutes les collectivités, partout au Canada. En Nouvelle-Écosse, des écoles privées en cession-bail menacent les emplois des services de nettoyage, des services de cafétéria, les emplois de conductrices et conducteurs d’autobus et d’aides à l’enseignement. Des hôpitaux privés se pointent à l’horizon dans l’Île-du-Prince-Édouard et en Alberta. Et au Québec, d’énormes compressions dans les services publics ont privé des ressources suffisantes les hôpitaux, les centres de soins communautaires et les foyers de soins infirmiers de la province.

Un autre obstacle à l’égalité

Cette impulsion en faveur de la privatisation et la perte d’emplois qu’elle engendre constituent d’énormes obstacles nuisant aux efforts du SCFP en faveur des femmes autochtones, des femmes de couleur, des immigrantes, des lesbiennes et des femmes bisexuelles. « Quand vous êtes la dernière à prendre le départ et que vous voulez gagner, le privatisation vous met un gros bâton dans les roues, affirme Carmen Henry, conseillère nationale. Les travailleuses et travailleurs de couleur peuvent facilement devenir la cible du ressentiment parmi la main-d’œuvre qui demeure en poste. » À titre d’exemple, elle décrit une situation où des infirmières autorisées sont licenciées tandis que les aides les moins bien payées conservent leur emploi et effectuent une partie des tâches dévolues aux infirmières. « Ces aides sont en majorité des femmes issues des minorités visibles et elles maintiennent leur poste parce qu’elles constituent une main-d’œuvre à bon marché. » Selon Mme Henry, elles sont les premières visées par le ressentiment, le harcèlement et la discrimination.

« Quand les gens sont confrontés à des licenciements, il est facile de blâmer sa voisine ou son voisin, surtout quand cette personne est différente », affirme Glenda Smith, travailleuse affectée au triage, membre de la section locale 2343 et du Comité du triangle rose du SCFP.

« En réalité, les gens devraient s’en prendre à la direction. Je voudrais bien que les gens concentrent leurs attaques sur la bonne cible, » ajoute-t-elle.

Quand il le faut, les femmes sont prêtes à mener le combat de leur vie pour endiguer la vague des privatisations et de la sous-traitance. C’est une lutte pour de bons emplois, un syndicat fort et une communauté saine. Et c’est une bataille qu’il est possible de gagner!

La lutte menée par le SCFP

Au Québec, les licenciements de personnel de bureau à la Société immobilière du Québec, l’orga-nisme provincial qui gère les édifices gouvernementaux, a engendré une solution de rechange originale à la sous-traitance des emplois d’électricien. Près de

1 000 membres de la section locale 2929, principalement des femmes employées de bureau, ont perdu leur emploi au moment de la restructuration en 1995. À la même époque, l’employeur songeait à refiler les emplois d’électricien à la sous-traitance au moment de leur retraite.

La section locale a donc négocié un programme de stages qui accorde aux travailleuses et travailleurs licenciés un accès à la formation et à une expérience en cours d’emploi comme électricien ou comme technicien de système de ventilation. La plupart des personnes en formation dans les deux champs d’activités sont des femmes dont Hélène Simard, qui suit une formation d’électricien. Une fois sa formation achevée et lorsqu’elle sera titulaire d’un poste, elle devra travailler pour la Société pendant quatre ans mais elle a un emploi garanti par cet employeur aussi longtemps qu’elle le désire.

Mme Simard a occupé un emploi de bureau pendant 13 ans mais elle était heureuse du changement. « C’était toujours la même routine. J’en avais assez d’être assise toute la journée. La décision [de suivre le programme de recyclage] n’a pas été difficile, » affirme-t-elle. Le fait de sauvegarder les emplois d’électricien s’inscrivait dans les projets du syndicat pour trouver des emplois au personnel licencié. C’est un projet qui donne aux femmes un accès à la formation dans un domaine traditionnellement réservé aux hommes. Et bien que la section locale n’ait pas obtenu le nombre de candidatures envisagé pour le programme de formation, celui-ci constitue un exemple d’une façon de prévenir la privatisation.

Pour lutter efficacement, il faut souvent prévenir les coups. Et c’est exactement ce que fait la section locale 500 de Winnipeg qui est sur le point de réunir le financement nécessaire à une étude sur l’avenir du travail de bureau à la ville. La section locale 500 représente environ 750 personnes employées de bureau qui sont « très inquiètes pour leur avenir », affirme Paul Moist. L’étude examinera des questions telles que les technologies de l’information ainsi que la nécessité de recycler le personnel de bureau.

« Ces personnes constituent une catégorie oubliée de travailleuses et travailleurs, » déclare M. Moist. Quand elles abordent le projet lors de réunions de la section locale, les femmes sont très heureuses de constater que leur syndicat considère les questions qui les concernent avec beaucoup de sérieux et elles sont enthousiastes à l’idée de participer bien que certaines d’entre elles n’aient jamais manifesté d’intention en ce sens auparavant.

« Il s’agit de prévenir les coups au lieu de s’inquiéter une fois que la ville aura procédé à tous les changements, » de dire M. Moist.

La lutte contre la sous-traitance et la privatisation signifie également qu’il faut repenser la manière de fonctionner des syndicats. « Le défi est de créer un environnement où les femmes sont encouragées à participer et à être actives, » dit Paul Moist. Cela se traduit par de petits détails pourtant souvent négligés comme le paiement des frais de garde ou d’une indemnité quotidienne pour des rencontres des membres. Ou par le fait de planifier les rencontres à des moments où les mères célibataires peuvent le plus facilement se libé-rer. Ou en incitant les femmes à occuper le rôle de délégué syndical ou tout autre rôle militant. »

Rejoindre les membres

La lutte suppose aussi que la collectivité participe. Quand le géant ServiceMaster est arrivé à l’Île-du-Prince-Édouard en espérant rafler tous les contrats de nettoyage, de maintenance et d’entretien des terrains au conseil scolaire du district de l’est, les membres de la section locale 1175 ont passé à l’action. Ces personnes ont établi des liens avec des travailleuses et des travailleurs dans les milieux de travail où la société ServiceMaster avait conclu des contrats de nettoyage, accumulant les histoires d’horreur sur les produits chimiques utilisés par la compagnie et la détérioration des services de nettoyage. Armés de renseignements sur ce qui risquait de se produire dans les écoles de l’Île-du-Prince-Édouard, la section locale a fait circuler l’information parmi ses membres et les groupes de pa-rents, d’enseignantes et enseignants et les membres du conseil scolaire bien disposés à leur égard.

« La qualité de nos écoles aurait chuté à vitesse grand V, déclare la présidente de la section locale, Marsha Arsenault. Les parents ne voulaient pas que leurs enfants fréquentent une école insalubre ou peu sûre. » Dans les petites collectivités où les écoles cons-tituent un point de ralliement pour les activités communautaires, la menace d’une école mal tenue a incité la population à faire pression sur le conseil scolaire, à tel point que celui-ci a dû abandonner son projet de sous-traiter les emplois. Si la société ServiceMaster avait obtenu le contrat, les concierges à temps partiel du conseil scolaire, des femmes pour la plupart, auraient été les premières à perdre leur emploi.

Une approche semblable axée sur la collectivité a porté fruits en Colombie-Britannique où la province s’apprêtait à centraliser les systèmes de répartition des urgences pour les services de police, les services d’incendie et les services ambulanciers. « Nous avons insisté sur la sécurité de la population, a déclaré la présidente de la section locale 403, Joanne Reece. Nous avons fait la preuve que chaque collectivité a besoin de professionnels qualifiés qui connaissent la région ou la ville de fond en comble. Un système centralisé ne permet pas cela. » Mme Reece, la section locale 403 et d’autres membres de la collectivité ont su convaincre le conseil municipal de ne pas sous-traiter les services de communications des services de police en procédant à la création d’un système centralisé de répartition des urgences.

La clef d’une lutte efficace réside dans la capacité du SCFP de faire la lumière sur la foule de conséquences néfastes de la privatisation et de la sous-traitance. Il faut, entre autres choses, mettre en lumière l’impact nuisible de la privatisation et de la sous-traitance sur les femmes. La conférence nationale des femmes du SCFP contribuera à l’analyse et à la sensibilisation à cet égard. Et la campagne du SCFP Public, ça marche! continuera de chercher un soutien populaire toujours plus grand pour des services publics solides et bien financés.

En fin de compte, c’est une lutte que doivent mener toutes les personnes membres du SCFP. Il revient à chacune et à chacun de nous de faire en sorte que les gains des femmes ne partent pas en fumée. Il nous revient de préserver les emplois et de maintenir aux mains du secteur public les services sur lesquels nous comptons.

Karin Jordan