Les médicaments sont la source la plus importante de la hausse du coût des régimes d’avantages sociaux. Par conséquent, c’est à ce chapitre que les employeurs cherchent à faire des économies. Même si la recherche montre que la principale cause de la montée en flèche des prix sont les nouveaux médicaments « moi aussi », et non l’usage accru des médicaments, les employeurs veulent habituellement des solutions qui permettent de transférer le coût aux participants des régimes.

Plus le coût des médicaments sera refilé aux individus, plus ceux-ci devront faire le choix difficile, et souvent impossible, entre renouveler leurs ordonnances et combler d’autres besoins. Un sondage mené dernièrement par Price Waterhouse Coopers a montré qu’un Canadien sur dix n’a pas renouvelé une ordonnance au cours de l’année précédente pour des raisons de coût. (Source : Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, Perspective, hiver 2000)

Les conséquences du non-renouvellement des ordonnances ou de l’omission de doses sont importantes, parce que des affections comme la maladie cardiaque, le diabète et l’hypertension peuvent s’aggraver sans médicaments d’ordonnance. En bout de ligne, les économies réalisées par le délestage des coûts aux employés sont transférées en proportion encore plus grande aux dépenses de santé assumées par les gouvernements et les contribuables, parce que des troubles médicaux ont été mal traités. Ainsi, les économies réalisées par les employeurs grâce à des régimes privés se traduisent en hausses de coût pour le système de santé public.

La principale raison pour laquelle les régimes collectifs d’avantages sociaux fonctionnent (et le principe qui sous-tend l’assurance collective) c’est que des personnes en santé aident à assurer la protection des personnes en moins bonne santé. Personne ne sait quand il sera « en moins bonne santé ». Ainsi, nous nous assurons de pouvoir compter sur cette assurance lorsque nous en aurons besoin en la payant maintenant.

Lorsque les employeurs exigent des compressions, nous devons veiller à ce que le coût ne soit pas le seul critère. Notre but, dans la négociation d’avantages sociaux, c’est d’empêcher l’érosion de ces avantages pour les membres, de minimiser tout effet négatif et d’assurer le maintien des principes de l’assurance collective.

  

À la table

Certaines sections locales peuvent décider de négocier un comité mixte d’avantages sociaux au lieu d’essayer d’élaborer les détails du régime à la table de négociation. (Voir la section sur les clauses de convention collective dans la présente Série sur la négociation des avantages sociaux pour trouver des exemples de clauses.)

Pour pouvoir contester les estimations de coût de l’employeur, les comités de négociation doivent avoir accès aux données sur le régime, comme le nombre d’employés couverts, le nombre d’employés à temps plein et à temps partiel, le coût jusqu’à maintenant, etc. Une clause dans la convention collective peut obliger l’employeur à divulguer les statistiques du régime et la façon dont les coûts sont calculés. (Voir la section sur les clauses de convention collective dans la présente Série sur la négociation des avantages sociaux pour trouver des exemples de clauses.)

Les employeurs auront souvent recours à des consultants comme « conseillers indépendants ». Sachez que ces consultants ne sont PAS indépendants. Ils conseillent habituellement de transférer les coûts aux participants du régime au lieu de recommander un éventail d’autres possibilités.

L’employeur viendra sans doute à la table armé de propositions qui visent à refiler les coûts aux participants du régime :

  • Augmenter les franchises – TLa franchise est un montant forfaitaire payable à l’avance chaque année avant que l’assureur rembourse les dépenses admissibles. La franchise est semblable au montant que les détenteurs d’assurance-auto doivent payer avant d’être remboursés.
  • Augmenter les quotes-parts – Les quotes-parts sont la part payée par les employés. Dans bon nombre de conventions collectives du SCFP, le syndicat et l’employeur partagent le coût des primes d’avantages sociaux, souvent à parts égales (« 50-50 »). Toute augmentation de la part de l’employé lui transfère une plus grande partie du coût des avantages sociaux.
  • Maintenir une grille d’honoraires qui n’est plus à jour - Si la grille des honoraires n’est plus à jour, les participants du régime doivent payer la différence entre les honoraires exigés par les professionnels et ce que leur régime rembourse, ce qui fera diminuer d’autant leur paye nette.
  • Introduire des formulaires à plusieurs niveaux – Avec ce type de formulaire, les employés paient des tarifs différents pour différents médicaments. Par exemple, les employés doivent payer une part plus grande des médicaments plus coûteux ou « de style de vie », comme le Viagra, et une part moins grande des médicaments moins chers ou génériques. Ce principe désavantage les participants du régime dont la santé exige qu’ils prennent des médicaments plus chers.
  • Restreindre les formulaires – Cette pratique limite les médicaments disponibles, excluant certains médicaments plus chers ou génériques. Jusqu’à tout récemment, les restrictions aux formulaires de médicaments étaient plutôt « basées sur des règles » - par exemple, les médicaments qui exigent une ordonnance du médecin sont couverts, alors que ceux qui sont en vente libre ne le sont pas. Toutefois, les employeurs manipulent maintenant les formulaires pour réduire les coûts. Les « formulaires gérés » sont une tendance importée des États-Unis qui impose des règles limitant l’accès aux médicaments, ou des lignes directrices favorisant certaines pratiques de prescription. Les formulaires gérés existent pour économiser de l’argent. Ils sont habituellement élaborés par une firme de gestion d’avantages sociaux pour la compagnie d’assurance.
  • Contrôler la façon dont les médicaments sont prescrits :
    • Pré-approbations - Pour certains médicaments, le médecin doit soumettre l’information à un vérificateur indépendant pour justifier la « nécessité médicale » du médicament.
    • Pharmacothérapie initiale – UAvec un programme de pharmacothérapie initiale, les pharmaciens dispensent de petites quantités d’un médicament la première fois qu’il est prescrit. Si le traitement réussit, le reste de l’ordonnance est dispensée.
    • Traitement par étape – Dans ce cas, le régime ne couvre les médicaments que lorsqu’ils sont utilisés conformément à un protocole de traitement standard, c.-à-d. qu’un médicament particulier doit être utilisé d’abord et, s’il est inefficace, un autre médicament (plus cher) peut alors être prescrit.
  • Avantages sociaux des retraités - CDes modifications aux règles comptables entrées en vigueur en janvier 2000 obligent les employeurs à rendre compte du coût futur des avantages sociaux des retraités, ce qui peut s’inscrire comme une énorme dette dans leurs livres. Même si les assureurs ne veulent plus assurer les retraités, l’employeur a l’obligation légale de fournir leur couverture. Pour cette raison, et aussi à cause de l’augmentation des coûts, les employeurs cherchent à réduire les avantages sociaux des retraités. Mais toute décision visant à réduire les avantages sociaux des retraités entraîne des risques juridiques. Bien que les recours collectifs soient rares dans les situations d’emploi, cette méthode promet d’être un terreau fertile pour les litiges.
    • Les avantages sociaux sont encore plus importants lorsque les revenus des retraités diminuent et que de nouveaux frais médicaux s’ajoutent à leurs dépenses. Il est donc probable que les retraités résisteront fortement à l’érosion de ces avantages sociaux. Toutefois, puisqu’ils ne peuvent pas choisir de démissionner, ni chercher un autre emploi pour atténuer leurs pertes, la voie juridique est souvent leur seule avenue.
    • Les tribunaux se sont prononcés contre le droit des employeurs d’éliminer les avantages sociaux des retraités. Dans une cause de 1993 entre les TCA et Dayco, la Cour suprême a jugé que les avantages sociaux des retraités étaient des intérêts acquis qui ne pouvaient leur être enlevés. Ainsi, les avantages sociaux de l’actuelle population de retraités ne peuvent pas être éliminés ni réduits, à moins que l’employeur se soit réservé le droit de modifier ses régimes et ait communiqué ce pouvoir aux employés.
    • Dans certains secteurs (p. ex. les conseils scolaires et les municipalités de l’Ontario), la loi interdit aux employeurs de verser des cotisations pour le coût des primes des retraités parce que ceux-ci ne sont pas considérés comme des employés.

    (Pour en savoir plus sur ce qui précède, consultez le texte « Que faut-il surveiller ? » dans la présente Série sur la négociation des avantages sociaux)

  

Voici d’autres solutions à considérer :

  1. Formulaires – Le formulaire est la liste des médicaments couverts par le régime. Les formulaires ont un impact tant sur le coût que sur les soins offerts aux patients.
    • Habituellement, les formulaires sont élaborés par un groupe indépendant et extrêmement compétent de professionnels de la santé. Nous préconisons un formulaire basé sur la sécurité des médicaments, l’efficacité clinique et le coût-efficacité, qui soit soustrait à l’influence des fabricants de médicaments.
    • Il pourrait être préférable de laisser aux professionnels de la santé la négociation de ce qui est inclus dans le formulaire. Toutefois, les sections locales pourraient négocier quelques critères pour veiller à ce que le formulaire réponde aux besoins des membres. Par exemple, le formulaire devrait être aussi ouvert que possible, notamment en ce qui a trait à la substitution générique, et n’inclure que peu ou pas de médicaments « moi aussi » et de quotes-parts.
  2. Médecine douce - La médecine douce comprend des services comme la massothérapie, l’acupuncture, le yoga et l’homéopathie (naturopathie). Malgré une reconnaissance de plus en plus grande des diverses formes de médecine douce, tant de la part des médecins que de la population en général, ces thérapies ne sont pas toujours couvertes par les régimes collectifs. Pourtant, les massages et la chiropractie pourraient, par exemple, remplacer les médicaments dans le cas des douleurs lombaires et ainsi permettre de réaliser des économies importantes pour le régime d’assurance-médicaments. En 2003, le STTP a négocié un projet pilote mixte d’avantages sociaux, qui répond aux souhaits de nombreux membres qui veulent un meilleur accès aux médecines et thérapies douces, et qui se préoccupent du coût croissant et du recours accru aux médicaments d’ordonnance. Le projet pilote a examiné le recours à l’acupuncture pour les douleurs au bas du dos – une plainte fréquente chez les travailleurs des postes. Les conclusions du projet doivent être publiées sous peu.
  3. Utilisation de médicaments génériques - Les médicaments génériques devraient être utilisés chaque fois que possible pour économiser. Leur substitution aux médicaments brevetés plus chers est une mesure d’économie très efficace. Il ne faut toutefois pas oublier qu’ils ne peuvent pas être substitués dans tous les cas et que les médecins insisteront parfois pour prescrire la marque brevetée de médicaments.
  4. Réseaux de fournisseurs de services à tarifs préférentiels (RFSTP) – Ils exigent qu’une pharmacie ou un groupe de pharmacies fournissent des services à un prix fixe moins élevé, tant pour les ingrédients que pour la dispensation.
    • Les pharmacies dispenseront également jusqu’à 90 jours d’un médicament pour un seul tarif d’honoraires.
    • L’arrangement avec les RFSTP est négocié entre l’assureur et la ou les pharmacies.
    • Les pharmacies doivent être facilement accessibles pour les employés, tant géographiquement qu’en ce qui a trait aux heures d’ouverture.
  5. Pharmacies à livraison directe (pharmacies postales) – Pour les médicaments à long terme, les pharmacies à livraison directe ou postale offrent des frais d’ordonnance raisonnables et une majoration contrôlée du coût des médicaments.
    • On peut avoir recours à Medi-Trust, un fournisseur en vrac, pour fournir certains médicaments. Ses frais d’ordonnance trois fois moindres que ceux de la plupart des pharmaciens. Le coût est moins élevé parce que ce sont des opérations d’entrepôt qui vendent de plus grandes quantités de produits que les détaillants.
    • La formulation des contrats-cadres doit être claire quant à la façon et au moment où les pharmacies postales doivent être utilisées. Par exemple, s’il y a des retards dans la réception de médicaments postaux, les employés devraient avoir le droit d’acheter leurs médicaments auprès d’un pharmacien local sans frais supplémentaires.
    • Le recours aux pharmacies postales comme Medi-Trust ne doit pas acculer les pharmaciens locaux à la faillite.
  6. Cartes de paiement électronique des médicaments
    • Les cartes de paiement électronique des médicaments permettent aux employés d’acheter directement les médicaments à leur pharmacie locale.
    • Les employés n’ont pas à payer le coût total des médicaments, puis à attendre deux ou trois semaines avant d’être remboursés par l’assureur. Cette méthode améliore la probabilité que l’ordonnance soit remplie, car l’obligation de payer dissuade souvent ceux qui sont moins fortunés.
    • Mais l’échange de données informatisées (EDI) permet aux pharmaciens qui soumettent les demandes des employés par voie électronique d’interagir directement avec le système de règlement des demandes de la compagnie d’assurance. Les assureurs ont profité de cette technologie pour restreindre davantage l’accès aux médicaments en intégrant au système de nouvelles mesures de réduction des coûts qui peuvent limiter encore davantage l’accès à certains médicaments.
  7. Mise en commun des risques – Dans la mesure du possible, les sections locales devraient chercher à s’unir à d’autres sections locales du SCFP et à d’autres syndicats pour négocier des ententes d’assurance collective.
    • Des régimes plus importants permettent de réduire les coûts en augmentant l’échelle de la participation au régime et en réduisant les frais d’administration. Par exemple, dans le secteur des conseils scolaires de la Nouvelle-Écosse, le SCFP, le NSGEU (Syndicat des employés de la N.-É.), l’UIES et le groupe des employeurs discutent de la possibilité de passer à une seule structure provinciale à fiducie mixte pour les avantages sociaux collectifs.
  8. Coordination avec d’autres régimes d’avantages sociaux - Si la conjointe ou le conjoint d’un participant du régime est couvert par un autre régime, les coûts peuvent baisser. La garantie totale combinée devrait être maximisée en faveur de l’employé et l’arrangement devrait être négocié et mis par écrit.
  9. l’employé et l’arrangement devrait être négocié et mis par écrit. – Les médicaments sont achetés séparément par les gouvernements provinciaux, les hôpitaux et les individus, ce qui empêche l’achat en vrac et nuit à la négociation de prix moins élevés. L’Australie arrive à acheter des médicaments à un coût inférieur de 10 pour cent à celui du Canada grâce à un système national à payeur unique, et la Nouvelle-Zélande a réalisé des économies de 50 pour cent en utilisant des méthodes de négociations coordonnées. (Source : Lexchin, J. (2003). Intellectual Property Rights and the Canadian Pharmaceutical Marketplace: Where Do We Go From Here? (La propriété intellectuelle et le marché pharmaceutique canadien : quelle est la prochaine étape ?) Ottawa : Centre canadien des politiques alternatives.)

    Le passage aux achats en vrac dans certaines provinces canadiennes est un progrès, mais un programme national d’assurance-médicaments permettrait de réaliser de bien meilleures économies. Les sections locales peuvent faire comprendre aux employeurs qu’il leur faut s’unir pour faire pression sur les gouvernements provinciaux afin qu’ils utilisent leur pouvoir « d’économies d’échelle » pour négocier des médicaments à moindre coût avec les compagnies pharmaceutiques.

    • Le gouvernement pourrait agir à titre de courtier et transférer aux consommateurs les économies négociées sur le coût des médicaments en les vendant moins cher aux détaillants.
    • De plus, des pressions devraient être exercées tant sur le gouvernement fédéral que sur les gouvernements provinciaux pour que soient élaborées des politiques qui favorisent le développement de médicaments génériques.
  10. Programmes de mieux-être – La médecine traditionnelle et, par extension, les régimes d’avantages sociaux des employeurs, sont axés sur le diagnostic et le traitement plutôt que sur la prévention. Un nombre croissant d’employeurs se tournent vers les programmes de mieux-être pour réduire leurs coûts. Les programmes de mieux-être sont l’une des rares solutions qui permettent de réduire de façon significative les demandes sans rogner sur les avantages sociaux. Aux États-Unis, le taux d’absentéisme chez Johnson et Johnson a chuté de 15 % dans les deux années qui ont suivi l’instauration de son programme de mieux-être; après trois ans, les frais hospitaliers de la société avaient diminué de 34 %. (Source : Human Resources Executive, The Economic Benefits of Regular Exercise (Les avantages économiques de l’activité physique régulière), IHRSA, 1996.
  11. Mise en garde – les programmes de mieux-être ne doivent pas servir à protéger les mauvaises politiques et pratiques qui augmentent le stress au travail.

    Avec les programmes de mieux-être, les employés risquent d’être traités différemment selon leurs capacités physiques, ce qui a un effet négatif sur les personnes atteintes de déficiences ou sur celles qui souffrent de maladies héréditaires.

    Jusqu’à que ce nous ayons un régime national d’assurance-médicaments, nous devrons nous contenter des régimes provinciaux et privés actuels et tenter de résister aux attaques des employeurs qui menacent la santé et le bien-être des employés. (Pour en savoir plus sur l’assurance-médicaments, lisez le document de la Coalition canadienne de la santé intitulé « More for Less: A National Pharmacare » (Plus pour moins : une assurance-médicaments nationale) sur scfp.ca) Les solutions qui précèdent peuvent aider à résister aux employeurs qui tentent de transférer le coût à nos membres, mais le SCFP continuera de faire pression pour que soit adopté un régime national d’assurance-médicaments afin que le coût des médicaments soit partagé selon les mêmes principes que pour les autres services de santé.

      

La série sur la négociation d’avantages sociaux du SCFP comprend également :

  • Aide-mémoire du SCFP – Régimes d’avantages sociaux
  • Avantages sociaux flexibles
  • Clauses de convention
  • Les comptes Gestion-Santé (CGS)
  • Pourquoi le coût des médicaments augmente-t-il ?
  • Que faut-il surveiller ?
  • Survol des enjeux