Les travaux de nettoyage que font les membres du SCFPévertuent à combattre la prolifération des superbactéries traitance entretien et les mises à pied dans les hôpitaux entraînent un nettoyage insuffisant et une dotation en personnel inadéquate, et que ces facteurs tiennent un rôle clé dans cette problématique.

Ce court rapport constitue une première tentative de documentation des problèmes touchant aux superbactéries et de l’importance croissante des travaux de nettoyage et de contrôle des infections exécutés par les membres du SCFP. Notre revue de la littérature internationale sur les infections nosocomiales nous amène à conclure que la lutte contre les superbactéries passe par le respect de procédures adéquates de nettoyage et de prévention des infections dans les hôpitaux.

Les trois souches de superbactéries

Les superbactéries sont des bactéries qui résistent à la plupart des antibiotiques. Il en existe trois types : VRSA (staphylocoque doré), VRE (entérocoque résistant à la vancomycine) et MRSA (staphylocoque doré résistant à la méthicilline). (La vancomycine, un antibiotique, est efficace contre certains MRSA1.) L’infection à ces bactéries se produit surtout dans les hôpitaux, puisqu’elle se fait par une lésion de la peau. Ainsi, les patients sous perfusion intraveineuse, cathéter ou dialyse et ceux qui subissent une opération sont particulièrement vulnérables2. Les superbactéries peuvent aussi s’avérer mortelles pour les patients souffrant d’autres affections3, les personnes âgées et les bambins4.

Le premier signalement de la superbactérie VRE est venu de l’Europe en 1988. Depuis, le nombre de signalements croît chaque année. Entre 1989 et 1996, ce nombre s’est multiplié par 34 au Canada5. Dans les six premières semaines de 2000, 23 patients ont été infectés par le VRE dans les hôpitaux d’Edmonton, en Alberta. Dans cette ville, en 1999, on a dénombré en tout 176 cas.

Quarante pour cent de la population sont porteurs de la superbactérie la plus dangereuse, MRSA, même si très peu de gens en tombent malades7. Au Royaume-Uni, le MRSA est devenu douze fois plus important au cours des huit dernières années. En 1999, il a été la cause de 37 % des cas de septicémie (empoisonnement du sang) mortelle, contre 3 % en 1991. Les hausses les plus importantes des cas de MRSA ont été enregistrées au Pays de Galles et dans le centre de l’Angleterre8. En Écosse, le nombre de cas de MRSA a augmenté de près de 75 % depuis 1998, passant de 4 301 à 7 540 (ces chiffres peuvent être quelque peu exagérés, certains patients ayant contracté l’infection plus d’une fois9). En Ontario, on a enregistré quelque 8 100 cas de MRSA ayant entraîné 1 000 infections et entre 50 et 100 décès. Dans les quatre dernières années, le nombre de cas de MRSA en Ontario a été multiplié par six10. Le MRSA s’est « implanté » dans les hôpitaux de Vancouver et de Toronto. Les hôpitaux de la région d’Edmonton ont signalé 61 cas de MRSA dans les six premières semaines de 2000. À ce rythme, on comptera 528 cas à Edmonton en 2000, contre 316 l’an dernier et 119 en 199811

Le VRSA a été identifié comme superbactérie en 1997 au Japon. Depuis, on a signalé trois cas aux États-Unis, un en France et, plus récemment, quatre à Hong Kong12

Décès, fermetures hôpitaux et hausse des coûts

Les superbactéries sèment la pagaille dans les hôpitaux du monde entier. On a fermé temporairement des services hospitaliers, retardé des opérations et placé des patients en quarantaine. Des gens sont morts. Et les superbactéries entraînent une hausse des coûts hospitaliers.

À l’hôpital St. Paul’s de Saskatoon (Saskatchewan), en 1996, on a placé neuf personnes en quarantaine à cause du VRE13. En 1998, on a fermé temporairement le service d’oncologie du site principal de l’Hôpital d’Ottawa pour la même raison14. Dans les six premières semaines de 2000, à Edmonton, on a isolé ou déplacé 23 patients dans une unité spéciale pour patients infectés au VRE, malgré leurs autres problèmes médicaux15. Les retards dus au transfert de patients aux soins intensifs vers des lits d’isolation pour infectés au VRE ont entraîné l’annulation de chirurgies, dont une opération au cerveau16.

En 1998, en Angleterre, un homme de Birmingham est mort du MRSA17. En octobre 1998, à l’hôpital Morriston (sud du Pays de Galles), on a fermé temporairement un service hospitalier en raison du MRSA18. En novembre 1999, l’Edinburgh Royal Infirmary (Écosse) a fermé trois services pendant une semaine pour les nettoyer, ce qui a entraîné le déplacement de 60 patients et retardé des chirurgies19.

En Nouvelle-Zélande, l’hôpital Palmerston North a fermé son unité 24 en février 199920. Le même jour, le VRSA entraînait la mort de trois personnes à Hong Kong21

Le professeur Brian Duerdon, directeur adjoint du Service de laboratoire d’hygiène (PHLS) de la Grande-Bretagne, a déclaré que « le MRSA atteint maintenant des proportions épidémiques en matière de septicémie »22. Le contrôleur et vérificateur général de l’Angleterre a déclaré que le coût des infections nosocomiales (dont font partie les superbactéries) pourrait s’élever à un milliard de livres par année23.

Le nœud du problème : des hôpitaux mal nettoyés et un personnel insuffisant en raison des mises à pied, de la privatisation et des compressions budgétaires dans la santé

Le nettoyage et la prévention des infections sont des facteurs cruciaux dans la lutte contre les superbactéries : « la propreté est le seul moyen sûr de prévenir le transfert de la bactérie »24. Il faut des planchers, des salles, des chambres, des équipements et des mains propres. Autrement dit, le travail des nettoyeurs d’hôpitaux en interne est particulièrement important, tout comme celui du personnel infirmier et du personnel de soutien qui organise et supervise les mesures de nettoyage. La privatisation et les réductions de personnel ont contribué à réduire la propreté des hôpitaux et à les rendre plus vulnérables à la prolifération des superbactéries.

Les superbactéries se transmettent par des équipements et des « meubles » (« lits, chariots, civières, fauteuils roulants »26) malpropres. « […] le MRSA se transmet d’un patient à l’autre par le contact avec des surfaces contaminées »27. À Edmonton (Alberta), la bactérie VRE a contaminé l’hôpital Royal Alexandra pendant plus d’un mois. On a signalé le premier cas le 1er janvier 2000, mais de nouveaux cas ont éclos jusqu’à tard en février. Steve Bulk de l’agence de la santé d’Edmonton a expliqué qu’il faudrait « nettoyer en profondeur » dès qu’il n’y aurait plus de nouveaux cas28. Le travail de nettoyage d’employés qualifiés revêt donc une importance capitale.

Il faut aussi disposer de personnel infirmier et de bureau pour coordonner et gérer les mesures de nettoyage. « Il est important d’exercer une surveillance des procédures habituelles, comme le nettoyage des unités, pour s’assurer du respect et de l’efficacité des pratiques hygiéniques adéquates. »29 

Pourtant, partout dans le monde, on congédie du personnel de nettoyage et de soutien et on confie les travaux de nettoyage à des sous-traitants privés. Tout cela a contribué à la malpropreté des hôpitaux. En Angleterre, le Sous-comité sur la résistance antimicrobienne du Comité permanent médical rapporte qu’« il existe des preuves considérables démontrant que la modification des contrats de nettoyage et la réduction des ressources ont eu un effet négatif sur la propreté des hôpitaux, lorsqu’on compare à ce qu’elle était il y a 10 ou 20 ans. »30 On ne s’étonnera donc pas que le MRSA et le VRE soient apparus en Amérique du Nord dans le réseau de la santé essentiellement privé des États-Unis, avant de gagner le Canada, où les soins de santé sont essentiellement publics31.

En Australie, selon l’opposition, 40 pour cent des nettoyeurs ont perdu leur emploi en raison de compressions budgétaires. On fait porter le blâme de l’épidémie sur ces mises à pied32. « Les services d’entretien ont subi des compressions croissantes », a déclaré Linda Hoffman, directrice de la santé de la région de Newcastle (Australie)33

En février 1999, en Nouvelle-Zélande, une « source » à l’hôpital North Shore aurait confié que « la norme de nettoyage est devenue une honte dangereuse pour l’hôpital. La prolifération du MRSA en découle directement »34. Le nettoyage de cet hôpital avait été sous-traité à une compagnie privée à but lucratif35.

Les compressions budgétaires, les fusions et les fermetures ont entraîné une surpopulation dans les hôpitaux, ce qui est identifié comme un autre facteur de propagation des superbactéries36. Mme Hoffman explique que la surpopulation « entraîne une augmentation du nombre de patients et du nombre de germes qui entrent à l’hôpital », ce qui contribue aux superbactéries37. Enfin, le manque de lits d’isolation complique la sortie des patients des soins intensifs infectés au VRE38.

« Solutions » possibles

Résoudre le problème des superbactéries passe par un financement approprié du réseau de la santé, un personnel suffisant et des produits de nettoyage sans danger.

Tous les gouvernements doivent rétablir un financement adéquat des soins de santé qui permettra une dotation en personnel suffisante. Le contrôleur et vérificateur général de l’Angleterre a demandé à ce qu’on rétablisse le nombre d’employés de bureau et d’infirmières de la prévention des infections39. Pour être bien nettoyés, les hôpitaux ont besoin d’employés affectés au nettoyage bien payés, bien formés et en nombre suffisant. Les gouvernements doivent rappeler les employés de nettoyage qu’ils ont licenciés et mettre fin aux contrats de nettoyage avec des sociétés privées à but lucratif offrant des services de piètre qualité.

Pour bien résister aux superbactéries, il faudrait aussi conjuguer le rétablissement du financement et du niveau de dotation en personnel à l’utilisation de solutions alternatives de nettoyage. Le Dr David Rice de l’Université de Sheffield soutient que l’agent de nettoyage antibactérien triclosan utilisé par plusieurs hôpitaux aide la propagation des superbactéries au lieu de la prévenir. Selon ses recherches, ce composé chimique rend certaines souches bactériennes résistantes aux agents antibactériens, ce qui contribue à la création de superbactéries. Les nettoyants résidentiels et les produits d’hygiène personnelle des 30 dernières années, comme Crest et Colgate, contiennent du triclosan40.

Il est essentiel de pouvoir compter sur des hôpitaux et des cliniques propres. Il faut réagir à une infection mortelle en resserrant les règles de propreté. Les superbactéries constituent une menace croissante à mesure que la population vieillit. Les membres du SCFP affectés au nettoyage et à la prévention des infections tiennent donc un rôle crucial dans cette lutte pour endiguer les superbactéries.