Depuis la fin de la récession, la croissance de l’économie canadienne est faible. La hausse est de 30 % inférieure aux taux observés après les crises des années 1980 et 1990. Pour de plus en plus d’économistes, la stagnation est maintenant la norme. Mais sommes-nous vraiment condamnés à un avenir timide au plan économique?

Certains disent que nous devons nous habituer au ralentissement de la croissance en raison du vieillissement de la population et de la faible croissance de la main d’œuvre. Pour eux, nous ne pouvons plus miser sur les niveaux de croissance et de productivité du passé. D’autres prétendent que la croissance pourrait être un peu plus rapide si elle était stimulée par un plus grand nombre de politiques favorables au marché, des investissements gouvernementaux accrus et la réduction des inégalités. Enfin, une autre école de pensée estime qu’une croissance lente voire inexistante est la seule façon d’empêcher une catastrophe écologique.

Pourquoi ce débat est il important? Parce que les recettes que les gouver-nements perçoivent pour financer les services publics sont étroitement liées à la croissance économique. D’ailleurs, le niveau de financement gouvernemental est de plus en plus souvent lié au taux de croissance économique. Ainsi, les politiques économiques et sociales adoptées par les gouvernements en réponse à la faible croissance économique, de même que leur attitude face au marché, affecteront tous les citoyens. La lenteur de la croissance économique fait aussi en sorte que les faibles taux d’intérêt persisteront probablement pendant un certain temps.

C’est pourtant simple : croissance économique = croissance de l’emploi + croissance de la productivité.

Comme les babyboomers prendront leur retraite au cours des deux prochaines décennies, la croissance de la population en âge de travailler devrait être légèrement supérieure à 0,5 % par année, soit environ le tiers du taux annuel moyen des 40 dernières années.

La plus grande partie de cette croissance sera attribuable à l’immigration, alors que la croissance naturelle de la population ne sera responsable que du quart de la hausse. La participation accrue des aînés à la population active aura certes son influence, mais elle sera contrebalancée par la plus faible participation à la vie active des jeunes travailleurs.

Par contre, la croissance de la population active importe peu si les travailleurs sont sans emploi. Au lieu de pousser un plus grand nombre d’aînés dans la population active, les gouvernements devraient favoriser la création d’un plus grand nombre d’emplois et aider les groupes de personnes sous-employées à obtenir un travail décent.

Un programme national de garderies publiques, dont le financement serait assuré par une hausse des revenus gouvernementaux, permettrait aussi d’accroître la participation à la vie active et l’emploi, en plus de stimuler la croissance économique.

L’évolution démographique et l’amélioration des emplois des travailleurs ne sont pas les seuls facteurs à considérer. En effet, la grande partie de la croissance économique des 70 dernières années est attribuable à la croissance de la productivité et non à la croissance de la population active. La productivité ne signifie pas de travailler plus fort, comme les patrons tentent de faire croire aux travailleurs. La productivité veut dire produire plus avec les mêmes ressources ou même avec moins de ressources grâce aux percées technologiques, aux investissements, une plus grande efficacité et une réduction du gaspillage.

Le sous-emploi et la productivité sont liés : les compétences des travailleurs se dégradent et deviennent désuètes si elles ne sont pas mises à contribution, un phénomène que l’on appelle l’hystérésis. Les travailleurs sous-employés ou sans emploi qui demeurent à la maison sont souvent condamnés à vie à recevoir des salaires inférieurs.

En dépit des bénéfices record, les entreprises ont réduit leur taux d’investissement dans l’économie et ont plutôt injecté une grande partie de leurs excédents de liquidités dans le rachat d’actions et l’investissement spéculatif, ce qui a contribué à la crise financière et économique. Les compagnies ont peu de raisons d’investir afin d’accroître la productivité lorsque la demande pour leurs produits est faible, en raison notamment de la lente croissance des salaires.

Si les entreprises n’investissent pas, il est donc légitime pour les gouvernements de récupérer une partie des liquidités en haussant l’impôt sur le revenu des sociétés. Pour compenser l’inaction des entreprises, les gouvernements pourront ainsi investir davantage, en adoptant des politiques économiques et sociales qui stimuleront la productivité. Comme les personnes qui touchent un revenu inférieur dépensent une portion plus élevée de leur revenu, en réduisant les inégalités, on stimulera la demande et par conséquent la productivité.

Il est important de stimuler la croissance économique, mais en bout de ligne, notre économie doit bénéficier à la population. Nous avons besoin d’une économie qui est plus équitable sur le plan social et durable sur le plan environnemental. Avec cet objectif de rendre notre économie plus durable et équitable en tête, de nombreuses solutions pourraient être mises en œuvre pour améliorer notre croissance économique à court terme et notre bien être à long terme. Considérer la stagnation comme normale est plus une vue de l’esprit qu’une menace réelle pour notre économie.