Legal brief

La plupart des militants du SCFP ont appris que la Cour supérieure de justice de l’Ontario a condamné Vadim Kazenelson à une peine d’emprisonnement de trois ans et demi pour une négligence criminelle ayant entraîné la mort de quatre travailleurs et de terribles blessures à un autre travailleur.

Kazenelson est la première personne condamnée à une peine d’emprisonnement depuis que le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-45, aussi connu sous le nom de loi Westray, en mars 2004.

Ce que les militants ne savent peut-être pas, c’est la façon dont la Cour a déterminé le sort de Kazenelson dans cette affaire.

Examinons le dossier en détail :

Kazenelson était le chef de projet de rénovation des balcons de deux tours d’habitation à Toronto, pour Metron Construction Inc. Il était responsable des travaux et de la sécurité des travailleurs.

À la veille de Noël 2009, Metron avait des délais serrés. Une prime salariale de 50 000 $ était offerte pour terminer les travaux, cette année-là. Kazenelson se sentait pressé de terminer les travaux. Il savait qu’il envoyait six hommes travailler sur une plateforme suspendue avec seulement deux cordages de sécurité. La plateforme s’est brisée, et cinq travailleurs sont tombés. Quatre d’entre eux sont morts.

Kazenelson a été reconnu coupable en juin 2015 de quatre chefs d’accusation de négligence criminelle ayant causé la mort et d’un chef d’accusation de négligence criminelle ayant causé des blessures corporelles.

Le moment venu de déterminer la peine, voici ce dont le juge devait tenir compte :

L’avocat de Kazenelson avait tenté de prétendre qu’étant donné que les travailleurs connaissaient les risques, et parce qu’on ne leur avait pas ordonné de travailler sans cordages de sécurité, Kazenelson devait obtenir une peine de courte durée. Le juge n’était pas convaincu. Dans sa décision, le juge a indiqué qu’amoindrir la culpabilité d’un gestionnaire parce que les employés connaissaient les risques, ou parce qu’on ne leur avait pas ouvertement donné l’ordre d’accomplir un travail dangereux revenait à ignorer la réalité selon laquelle accepter des conditions de travail dangereuses n’est pas toujours un véritable choix volontaire de la part du travailleur.

Le juge comprenait également que la direction a la responsabilité de s’assurer que les travailleurs retournent à la maison sains et saufs. L’article 217.1 du Code criminel (créé par suite du projet de loi C-45) affirme que quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire doit prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte des blessures corporelles pour autrui.

Cet article signifie que la direction doit prendre toutes les mesures raisonnables que prendrait une personne connaissant les risques et sachant comment les réduire. Kazenelson avait suivi la formation sur le travail en hauteur offerte par le gouvernement de l’Ontario. Il connaissait donc les risques et les mesures à prendre pour réduire ces risques.

Le juge a condamné Kazenelson à une peine d’emprisonnement de trois ans et demi parce qu’il tenait à préciser clairement que les personnes occupant des postes d’autorité doivent prendre toutes les mesures raisonnables pour s’assurer que les travailleuses et travailleurs retournent à la maison sains et saufs à la fin de la journée.

Même si le Code pénal prévoit des peines allant jusqu’à la prison à vie pour une négligence criminelle causant la mort, il est très rare que l’auteur d’une première infraction, comme Kazenelson, qui n’est pas un criminel déclaré, obtienne une peine d’emprisonnement aussi longue. Le juge a appliqué la règle selon laquelle des infractions semblables doivent être sanctionnées par des peines semblables, et a examiné les peines pour des cas de négligence criminelle semblables. Par conséquent, il a déterminé qu’une peine d’emprisonnement de trois ans et demi était nécessaire pour un effet de « dénonciation et de dissuasion générale » suffisant et pour signifier qu’il voulait envoyer un message aux autres gestionnaires dans l’espoir de les dissuader de commettre un tel geste.