Doug Allan | Service de recherche 

Le secteur canadien de l’assurance-maladie privée est de plus en plus inefficace. C’est ce que révèle une nouvelle étude du Canadian Medical Association Journal.

On y apprend que dans le cas des régimes d’assurance-maladie d’employeurs, le pourcentage des primes redistribuées en prestations est en baisse. Il est passé de 92 pour cent en 1991 à 74 pour cent en 2011. Le reste des primes va aux profits des actionnaires, à l’administration et à d’autres usages.

Ce niveau de redistribution des primes en prestations est inférieur au minimum exigé par la loi américaine. Aux États-Unis, l’assureur doit en effet utiliser entre 80 et 85 pour cent des primes d’assurance-maladie pour les soins cliniques et l’amélioration de la qualité. Or, si le niveau de redistribution des primes dans les régimes d’employeurs est inquiétant, c’est encore pire pour les régimes individuels achetés à un assureur à but lucratif. Pour ces régimes, le taux de redistribution a chuté de 46 pour cent à 38 pour cent.

En guise de comparaison, les régimes auto-assurés – l’employeur défraie les réclamations et n’achète à l’assureur que les services de traitement – font beaucoup mieux, avec un taux de
redistribution de 95 pour cent. Ce taux a même légèrement augmenté, puisqu’il était de 94 pour cent en 1991.

Les auteurs de l’étude estiment que la chute du niveau de redistribution des primes dans le secteur privé n’est pas due à la hausse des frais de gestion, à la croissance des réserves ou à l’application de méthodes novatrices pour réduire les frais de service. Selon eux, ce sont plutôt les modifications apportées en 1997 à la Loi canadienne sur l’assurance, qui ont permis aux action­naires en quête de profit de devenir propriétaires des sociétés d’assurance, au détriment des détenteurs d’assurance.

En guise de solution, les auteurs proposent de resserrer la réglementation dans le secteur de l’assurance et d’offrir plus d’assurances publiques. De meilleures méthodes permettraient de mieux protéger la santé des travailleurs pour le même prix, en plus d’aider les employeurs qui paient trop cher pour les services de santé qu’ils fournissent en raison de l’inefficacité du secteur privé. D’ailleurs, année après année, les employeurs en obtiennent de moins en moins pour leur argent.

L’assurance-maladie publique couvre déjà 70 pour cent des coûts des soins de santé. Cela laisse tout de même quelques dizaines de milliards de dollars en paiements privés. Une bonne partie de ces paiements s’effectue dans le cadre des régimes privés d’assurance pour travailleurs obtenus par le biais de l’emploi et de la négociation collective. L’augmentation des coûts de ces régimes constitue d’ailleurs un enjeu à la table de négociations. En fait, depuis 20 ans, les primes d’assurance-maladie privées ont augmenté de 7,2 pour cent par année.

La meilleure solution demeure la bonification du régime public d’assurance-maladie, notamment par l’établissement d’un programme national d’assurance-médicaments. Mais en attendant, il ne faut pas oublier que l’auto-assurance offerte par l’employeur offre un meilleur rendement sur les primes que l’assurance privée.