Nous sommes résolus à assurer que la prochaine génération de travailleurs puisse jouir des avantages que les membres du SCFP ont déjà obtenus. Nous ne pouvons tisser des liens de solidarité entre les générations si nous acceptons des conventions collectives avec des clauses orphelines. Notre syndicat s’oppose à toute tentative d’établir une double structure des salaires, des avantages sociaux ou des régimes de retraite.

Orientations stratégiques 2013-2015

Les clauses orphelines ou à « deux vitesses »  sont utilisées par les employeurs pour diviser les employés lors des négociations. Quand une convention collective comporte des clauses orphelines, les nouveaux employés auront soit un moins bon salaire, moins de sécurité d’emploi, une période d’essai plus longue, un régime de retraite et des avantages sociaux moins généreux ou tout cela à la fois. Ces clauses peuvent être temporaires ou permanentes, mais, dans les deux cas, elles sont synonymes de concessions. Au final, tous les membres de l’unité de négociation en sortiront perdants.

Des clauses orphelines prévoient que certains  nouveaux employés recevront, à terme, le même salaire que les plus anciens, mais avec plusieurs années de retard. Parfois, les effets sont permanents et, dans ces cas-là, les nouveaux employés  – le plus souvent des jeunes, des femmes, des membres des minorités visibles et des personnes ayant un handicap – n’auront jamais droit aux mêmes avantages. Les clauses orphelines accordent aux nouveaux employés un salaire, des avantages sociaux et des conditions de travail inférieurs à ceux de leurs collègues comptant plus d’ancienneté occupant les mêmes emplois, et ce, uniquement en raison de leur date d’embauche.

Les clauses orphelines sont injustes envers les nouveaux employés. De plus, elles affaiblissent le syndicat en sapant la solidarité syndicale. Le principe de l’égalité est au cœur du mouvement syndical. Il est donc injuste que deux personnes fassent le même travail pour un salaire différent. Un jour, les nouveaux employés actuels seront majoritaires dans l’unité de négociation et ils ne seront pas particulièrement disposés à se battre pour protéger les meilleurs salaires et avantages sociaux de ceux qui auront accepté de faire d’eux des syndiqués moins choyés. Historiquement, lorsqu’un syndicat accepte une clause orpheline, il passe les rondes de négociation suivantes à tenter de la faire annuler ou à essayer de dédommager les travailleurs lésés, ce qui ne laisse pas de place à la négociation de gains pour tous les membres. Enfin, l’employeur qui réussit à faire accepter une clause orpheline prévoyant un salaire moins élevé pour un groupe de travailleurs, essaiera ensuite de confier plus de tâches à ces travailleurs moins coûteux, au détriment des travailleurs qui bénéficient d’un plein salaire et de tous les avantages sociaux.

Clauses orphelines courantes

Régime de retraite : l’employeur souhaite imposer un régime à cotisations déterminées aux  nouveaux employés, au lieu d’intégrer ceux-ci au régime à prestations déterminées existant. Cette division compromet la sécurité de la retraite des deux groupes d’employés. Sans afflux de nouveaux membres,  le régime à prestations déterminées coûtera plus cher aux membres couverts à mesure que ceux-ci vieilliront. L’employeur exigera alors une hausse des cotisations ou une réduction des prestations.

Sécurité d’emploi : L’employeur prétend que les clauses orphelines n’affecteront pas les travailleurs qui sont déjà membres du syndicat. Il s’agit d’une tactique qui vise à réduire la taille de l’unité de négociation. Or, un syndicat qui rapetisse perd de sa force, ce qui met en danger la sécurité d’emploi de tout le monde. Pour protéger la sécurité d’emploi de tous les travailleurs, on a besoin de l’énergie et du militantisme qu’apportent les nouveaux employés et les jeunes travailleurs.

Perte d’emplois : L’employeur prétend que les clauses orphelines sont nécessaires pour éviter que certains travailleurs perdent leur emploi. Or, accepter de telles clauses ne permet pas de protéger les emplois. Prenez l’exemple des Travailleurs unis de l’automobile. Dans les années 70, le syndicat comptait 700 000 membres aux États-Unis à l’emploi de GM, de Ford et de Chrysler. Lors des difficiles négociations des années 80 et 90, les membres ont accepté des clauses orphelines en échange d’une promesse de sécurité d’emploi. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 110 000 membres. Comme l’a expliqué Sam Gindin dans le Toronto Star, les nouveaux travailleurs de ces trois constructeurs automobiles reçoivent aujourd’hui, en dollars constants, un salaire inférieur à celui qu’ils auraient touché il y a 50 ans. 

En raison des mesures d’austérité préconisées par les gouvernements, les clauses orphelines sont de plus en plus discutées aux tables de négociations du secteur public canadien. Souvent, l’employeur prétend que les  fonds disponibles sont limités, et ce, même si  les gouvernements ont les moyens d’offrir aux nouveaux employés le même salaire et les mêmes avantages sociaux qu’aux employés actuels. Depuis les années 90, les taux d’imposition ont été considérablement abaissés au Canada. Pourtant, d’autres choix s’offraient et s’offrent encore aux divers gouvernements. S’ils augmentent leurs revenus notamment en créant de l’emploi, en haussant l’impôt des sociétés et en éliminant les échappatoires fiscales, les gouvernements sont en mesure d’offrir de bons salaires et de bons avantages sociaux.

Chaque fois qu’un syndicat accepte une clause orpheline, cela suscite de l’animosité entre les membres ainsi qu’entre les dirigeants syndicaux et les membres. Il ne faut jamais oublier que les clauses orphelines ne protègent pas les anciens employés bien longtemps, puisque l’employeur cherchera à obtenir d’autres concessions en exploitant la nouvelle faiblesse du syndicat.
Nous devons tous nous battre pour nos emplois avant le début des négociations. Il faut convaincre la population de l’importance du travail que nous effectuons et ainsi gagner son appui. On peut aussi encourager les gouvernements pro-travailleurs à adopter une loi empêchant l’ajout de clauses orphelines aux conventions collectives. Cela dit, le meilleur moyen d’éviter les clauses orphelines est de veiller à ce que tous les membres actuels du syndicat  – ceux qui décident d’accepter ou de rejeter la convention collective – saisissent bien le coût réel des clauses orphelines, autant pour les nouveaux employés que pour eux-mêmes.

Lignes directrices pour la négociation

  • Identifiez d’autres solutions aux problèmes de coûts avec l’aide du personnel du SCFP. Il vaut mieux par exemple accepter des augmentations de salaire légèrement inférieures pour tous qu’accepter des clauses orphelines pour les nouveaux employés.
  • Sensibilisez les membres à l’impact négatif des clauses orphelines sur la solidarité syndicale. En effet, les membres qui acceptent de telles clauses ne peuvent pas s’attendre à ce que les nouveaux employés soutiennent le syndicat avec autant de ferveur lorsque des demandes qui tiennent les travailleurs ayant plus d’ancienneté à cœur feront l’objet de discussions lors des prochaines rondes de négociation.
  • Sensibilisez les employeurs du secteur public et les élus à la nécessité d’appliquer le principe de l’égalité aux travailleurs des services publics. Si l’écart salarial entre les femmes et les hommes s’est rétréci dans le secteur public, c’est grâce à la signature de bonnes conventions collectives.