Les services municipaux de cueillette de déchets solides sont essentiels à la qualité de vie de nos communautés, à notre santé et à la protection de l’environnement.

Notre objectif est de trouver des moyens de réduire la quantité de déchets produite et de réinvestir les dividendes que peuvent générer les déchets dans les services publics. Nous devons aussi étendre les pratiques de réduction des déchets et de recyclage à toutes les activités commerciales et industrielles. Nous ne pouvons pas continuer à creuser des trous pour mettre nos déchets et à libérer les produits toxiques créés par leur élimination dans notre air et dans notre eau.

Pour relever ces défis, les municipalités doivent, en plus d’être transparentes, conserverleur marge de manœuvre et le contrôle de leurs services de déchets solides. En sous-traitant ces services, elles perdent le contrôle et la souplesse nécessaires pour créer des programmes de réacheminement des déchets comme le recyclage et le compostage.

Le Conseil canadien des ministres de l’environnement a adopté la « responsabilité élargie des producteurs » (REP) comme moyen d’accroître la responsabilité du secteur privé pour l’élimination des déchets produits. Les entreprises doivent accepter la responsabilité de l’emballage excessif et plusieurs autres déchets en appuyant des programmes locaux de recyclage complet. Seuls des programmes contrôlés et fournis par le secteur public permettent cependant de faire passer l’intérêt public avant les profits. Les administrations municipales doivent donc garder le contrôle de la collecte des déchets et du recyclage.

La mise en place de programmes spécifiques à l’industrie effacerait les progrès réalisés par le secteur public en matière de réacheminement des déchets. Cette approche fragmentée priverait les programmes publics efficaces de ressources auxquelles ils ont présentement accès. La coordination des programmes de réduction, de réutilisation et de recyclage plus vigoureux visant l’entreprise privée doit être faite par des systèmes de gestion publics efficaces et universellement accessibles.

En Colombie-Britannique, une nouvelle agence gouvernementale, Recycle BC, a été créée pour atteindre les cibles de REP prévues aux règlements sur le recyclage de la province. Recycle BC a été mise en place après une consultation limitée et sa structure de prix est problématique. Kamloops, quelques municipalités de la région centrale de Kootenay et des communautés du centre-nord de la province ont été exclues du programme. Résultat : depuis trois ans, Kamloops a vu son volume de déchets acheminés au dépotoir augmenté et celui des matières recyclables recueillies diminué. Recycle BC a aussi entraîné la privatisation de la collecte de recyclage dans les municipalités participantes, dont Vancouver. Finalement, Recycle BC n’est pas sous la loupe du vérificateur général, en plus d’être exclue de l’application de la loi sur l’administration financière (Financial Administration Act).

Des études indépendantes concluent que les services decollecte des déchets fournis par des employés municipaux sont comparables aux services privés, tant au niveau du coût que de l’efficacité. Rien ne prouve que la collecte privée des déchets est plus économique et efficace que la collecte publique. Les expériences canadiennes récentes le confirment.

Calgary

La Ville de Calgary est dernièrement revenue à un modèle entièrement public pour ses services de collecte desdéchets solides. Un rapport de 2015 commandé par la municipalité recommandait de ne plus confier les services de collecte en sous-traitance, puisque celle-ci ne procure pas d’économies significatives. Le même rapport conclut que le coût de 1,27 dollar par collecte individuelle à Calgary est similaire au coût moyen encouru par des municipalités comparables où la collecte est soit complètement publique, soit complètement privée, soit un mélange des deux. Le coût à Calgary est cependant inférieur à celui encouru dans les secteurs des municipalités où la collecte est entièrement privée.

Paradise

En 2016, après plusieurs contrats coûteux avec des entreprises privées, la municipalité de Paradise, à Terre-Neuve-et-Labrador, a repris le contrôle de ses services de collecte des déchets. Le conseil municipal a reçu une soumission de plus de deux millions de dollars du privé et a jugé pouvoir fournir le service à l’interne pour à peu près la moitié de cette somme. Depuis, la municipalité réalise d’importantes économies, en plus de profiter d’une plus grande flexibilité. Peu après le rapatriement à l’interne du service, Paradise a été en mesure de mettre en place un projet pilote de collecte automatisée pour économiser encore plus d’argent et diminuer le nombre d’accidents de travail.

Toronto

En 2012, la Ville de Toronto a confié ses services de collecte des déchets solidespour l’ouest de la municipalité en sous-traitance. Au début de 2017, le conseil municipal a pris connaissance d’un rapport où les fonctionnaires municipaux recommandaient de sous-traiter le reste de la collecte. Le conseil a aussi reçu un rapport de la firme d’experts-conseils Ernst & Young qui démontrait que la collecte réalisée à l’interne est concurrentielle, tant pour les coûts que pour le rendement. Qui plus est, un rapport antérieur du personnel municipal et le rapport d’Ernst & Young concluaient tous deux que le modèle actuel offre un service de qualité élevée et que le secteur public fait un meilleur travail que le secteur privé en ce qui a trait au nombre de plaintes, au réacheminement des déchets et au coût. Finalement, au lieu de sous-traiter le reste de la collecte comme le recommandaient les fonctionnaires, le conseil municipal a tabletté le rapport et ordonné à son personnel de produire une meilleure analyse du rendement et du coût des services de collecte offerts à l’interne et de ceux qui sont confiés en sous‑traitance.

Sherbrooke

En 2011, la Ville de Sherbrooke, au Québec, a rapatrié les services de collecte des déchets, économisant ainsi 750 000 dollars par année. Des programmes de recyclage et de compostage efficaces ont permis à la municipalité de réduire la fréquence de la collecte des déchets à une fois toutes les deux semaines. Grâce à l’ajout d’un nouvel employé et d’un nouveau camion, les employés municipaux peuvent maintenant effectuer tout le travail.Auparavant, les employés municipaux ramassaient les déchets au centre-ville, pendant que des sous-traitants privés s’occupaient des quartiers périphériques.

Ottawa

En 1998, Ottawa a confié en sous-traitance la collecte des déchets solides dans quatre zones et conservé la collecte à l’interne pour une cinquième zone. En raison de l’augmentation des coûts de la sous-traitance et de l’insatisfaction des citoyens, la municipalité a graduellement rapatrié les services de collecte des déchets, de compostage et de recyclage. En 2011, le rapport d’un vérificateur indépendant concluait que l’offre des services à l’interne avait permis d’économiser plus de 5 millions de dollars en quatre ans. Le vérificateur a attribué les économies réalisées « à une optimisation des trajets, à une saine gestion des coûts de main-d’œuvre et aux avantages offerts par le nouveau parc de véhicules [réduction des coûts d’entretien] ».En 2011, la municipalité a renouvelé le premier contrat prévoyant la réalisation des services à l’interne et voté une résolution en faveur du retour des services à l’interne dans une deuxième zone. Au cours de la première année des nouveaux contrats, la collecte à l’interne a permis de réaliser des économies supplémentaires de 677 530 dollars.

Port Moody

En 2009, la Ville de Port Moody a rapatrié les services de collecte de déchets et de recyclage à l’interne après dix ans de prestation privée. L’entrepreneur oubliait de ramasser certains déchets et offrait un si mauvais service que la municipalité devait envoyer des employés municipaux finir le travail. Deux ans plus tard, l’efficacité des services de collectes des déchets à l’interne a permis à Port Moody de remporter un des Prix d’excellence remis par la Solid Waste Association of North America en 2011. Le prix de bronze qui « reconnaît les programmes exceptionnels de réduction des ordures ménagères » a été décerné à Port Moody pour la mise en place d’un projet de communication visant à changer l’attitude du public face au recyclage. La municipalité a donné tout le crédit pour ce prix à ces employés qui ont agi à titre d’« ambassadeurs du recyclage ».

Conception Bay South

Après avoir utilisé les services d’un entrepreneur privé pendant 30 ans, la Ville de Conception Bay South, à Terre‑Neuve, a rapatrié les services de collecte des déchets. Ce sont maintenant les employés municipaux qui fournissent les services. La municipalité affirme économiser annuellement environ 230 000 dollars, soit 1,15 million de dollars sur cinq ans. De plus, le service de collecte du recyclage est maintenant offert et à l’interne. La municipalité a finalement pris des dispositions en vue d’améliorer la sécurité du personnel effectuant la collecte.

Nanaimo

En avril 2017, le conseil municipal de Nanaimo, en Colombie‑Britannique, a annoncé l’adoption d’un système automatisé de collecte des déchets. La santé et la sécurité de la main-d’œuvre ont joué pour beaucoup dans cette décision. En effet, les accidents de travail avaient coûté à la municipalité plus de 400 000 dollars en heures perdues en 2014, car presque tous les employés permanents avaient subi une blessure. Les camions automatisés devraient éliminer complètement les blessures occasionnées par le levage de lourdes charges. Ils permettront aussi à la municipalité de résilier le contrat accordé au secteur privé pour la collecte des matières recyclables et d’ainsi économiser 800 000 dollars annuellement.

Hamilton

Depuis la fusion de 2000, les employés municipaux de Hamilton, en Ontario, sont responsables de la collecte des déchets dans la moitié de la ville, tandis qu’un sous-traitant s’occupe de la collecte dans l’autre moitié. La collecte réalisée à l’interne est systématiquement plus efficace que celle confiée en sous‑traitance, et ce, même si les employés municipaux s’occupent du vieux centre-ville. Un rapport publié en avril 2011 confirme que les services publics de collecte des déchets coûtent 1,15 dollar de moins par famille que le service privé. Le rôle positif du secteur public dans la collecte résidentielle a été réaffirmé dans un rapport de 2012. Il concluait que les économies du modèle public-privé pourraient s’élever à 60 millions de dollars entre 2013 et 2020. L’étude soulignait aussi que le modèle de Hamilton permettait d’offrir des « niveaux de service plus élevés » et de « réacheminer plus de déchets » destinés aux sites d’enfouissement.

Winnipeg

Depuis plus de dix ans, Winnipeg confie la collecte des déchets en sous-traitance à des entreprises privées, dont Emterra et GFL Environmental. La qualité du service et les conditions de travail se sont grandement détériorées au cours de cette période. En octobre 2017, une étude du Centre canadien de politiques alternatives concluait qu’environ la moitié des bennes à ordure de Winnipeg étaient conduites par des travailleurs précaires embauchés par l’entremise d’agences de placement temporaire au lieu d’employés à plein temps des entrepreneurs sous contrat. Ces travailleurs, sous-contractants et précaires, gagnent moins de la moitié du salaire qu’ils auraient touché en 2005, à l’époque où la collecte des déchets était faite par la municipalité. Ils ne bénéficient pas d’avantages sociaux et déplorent les mauvaises conditions de santé-sécurité. Ils ont une réticence à signaler les blessures, par peur de licenciement. Un grand nombre de ces travailleurs ont déclaré vivre dans la pauvreté, peinant à trouver un logement abordable. La majorité de ces travailleurs précaires étaient membres des Premières nations ou des Métis. Malheureusement, de telles conditions ne sont pas rares lorsque des services publics sont confiés en sous-traitance. Les fonds publics servent à subventionner des conditions de travail dangereuses, voire l’exploitation. Mais il y a de l’espoir. Au début de 2018, Winnipeg et la section locale 500 du SCFP qui représente les employés municipaux se sont entendus sur un projet pilote de deux ans pour rapatrier la collecte des déchets des logements multifamiliaux dans un quartier de la ville. Ce projet commencera en 2020.

Les services publics de collecte des déchets solides sont efficaces, plus axés sur la protection de l’environnement et le développement durable, meilleurs pour les travailleurs et plus transparents. Ils doivent rester publics si nous voulons des municipalités propres et vertes et des services de qualité sur lesquels nous pouvons compter.